Prose

Ils ne sont rien.

Ils ne sont rien.

Ils ne sont rien comparés au clair de lune qui berce ma chambre de ses caresses d’argent si éclatantes qu’elles en éloignent mon sommeil.

Ils ne sont rien comparés à la douceur rassurante et familière du pelage de ma Suzette.

Ils ne sont rien comparés aux cliquetis réguliers et sûrs de ma machine à coudre.

Ils ne sont rien comparés au chant des oiseaux par delà mes fenêtres, à la procession des fourmis du jardin quand elles viennent voler des miettes à la cuisine, aux petites souris des champs qui grignotent avec tant d’entrain la farine de mes placards.

Ils ne sont rien comparés à la rivière qui me porte et m’emporte dans ses remous estivaux. Ils ne sont rien comparés au toucher des vieilles pierres des châteaux voisins qui me font voyager à travers le temps. Ils ne sont rien comparés aux camarades sauvages aperçus dans les champs avoisinants. Ils ne sont rien comparés au chant du coq, aux caquettements fiers des poules qui viennent de pondre à la ferme de la rive opposée. Ils ne sont rien comparés au vol acrobatique des chauves souris du quartier, plus agiles que des pilotes de chasse, coursant leur dîner à travers l’obscurité. Ils ne sont rien comparés au cri de la chouette effraie dans les profondeurs de la nuit.  Ils ne sont rien comparés aux boutons de rose, à la verveine fraîche, aux raisins caramélisés de soleil de la vigne.
Ils ne sont rien comparés à la prairie baignée de soleil. Au scintillement des étoiles. A l’arc-en-ciel qui luit contre les nuages sombres.

Ils ne sont rien comparés à mes souvenirs tendre dans cette vallée aussi sinueuse que le chemin de ma vie. Ils ne sont rien comparés à mes premiers baisers à Chenet, écrin de tant de mes premiers émois. Ils ne sont rien comparés aux premiers scoubidous, aux premiers bracelets brésiliens, aux premiers animaux en perle, aux premières brasses sans aucune bouée. Ils ne sont rien comparés aux mains câleuses de mon grand père me montrant une chenille, comment monter une ligne sur une cane, fabriquer des personnages en marrons et allumettes, organiser des courses d’escargots. Ils ne sont rien comparés aux frottées d’ail de l’oncle Jean, aux pâtés de Pâques d’Antoinette, au clafoutis de Michèle.
Ils ne sont rien comparés aux éclats de rire de ma mère me lisant Moumine Le Troll.
Ils ne sont rien comparés aux salgados de mon père.

Ils ne sont rien comparés à la magie de voir un levain prendre vie. Ils ne sont rien comparés au petit miracle d’une mayonnaise qui prend. Ils ne sont rien comparés à l’huile qui épaissit sous la soude et qui sera bientôt du savon. Ils ne sont rien comparés à l’atelier et tous ses trésors, au rouet qui attend de filer les toisons des moutons des éleveurs voisins, aux crochets, aux aiguilles, aux fils, aux outils, à la quincaillerie reluisante, aux scies, aux marteaux, aux vis, aux écrous, qui attendent sagement de créer et fabriquer.

Ils ne sont rien comparés à l’immensité de mon imaginaire, et de la vie qu’il prend quand mes mains, ma bouche lui donnent souffle. Il ne sont rien comparés à l’orgue de chair qu’est mon corps. Ils ne sont rien comparés  aux chansons et émotions qui jaillissent de moi. Ils ne sont rien comparés à la confiance de Gérard et Pacôme, aux compliments bouleversants de Marianne, de Juliette.
Ils ne sont rien comparés aux étreintes de celles et ceux qui me font la faveur de m’écouter, parler et chanter, et qui si souvent s’effondrent en pleur dans mes bras, et font couler mes larmes en retour.
Il ne sont rien comparés à mes souvenirs de scène incroyables, l’Olympia, la Nation, et même The Voice.

Ils ne sont rien comparés au délice des mots tissés d’ironie et de sarcasme qui courent les pages des ouvrages de Jane Austen. Il ne sont rien comparés à Fred et George, Lupin, Luna, ni même Winky. Il ne sont rien comparés à la voix de Stephen Fry qui m’en conte les aventures. Ils ne sont rien comparés à l’amour déchirant d’Aragon pour Elsa. Ils ne sont rien comparés aux chanson de Cole Porter, ni à la voix d’Ella qui leur donne vie.
Ils ne sont rien comparés à la Mémoire et la Mer.

Ils ne sont rien comparés au tumulte de l’orchestre symphonique. Ils ne sont rien comparé au divin de voix qui s’unissent. Ils ne sont rien comparés à la vibration humaine des cordes d’un violoncelle.
Ils ne sont rien comparés aux notes sur la partition.

Ils ne sont rien comparés à Cloé qui m’a si souvent sauvé la vie, au sens figuré, comme au sens propre. Ils ne sont rien comparés aux fous rires de mes amies, à leur brillant intellect, à la sororité qui peut m’unir a des femmes dont j’admire l’intégrité et le courage.

Ils ne sont rien comparés aux souvenirs de ceux que j’ai aimé, et qui m’ont aimé en retour. Ils ne sont rien comparés au refuge de l’amour qui m’est donné aujourd’hui, un amour qui m’accueille dans toute ma réalité absurde.

Non, vraiment.

Tous ces gens qui me haïssent, aussi bruyant soient ils quand ils insistent pour m’en faire part, comparés à tout cela, il ne sont rien.

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