Cochonne à mes heures ? Allez, ok. Peut-être. Je te le concède. Mais non, Lenny, non : je ne suis pas une truie ! Bon… j’imagine que tu ne sais pas bien à quoi je fais référence… Laisse-moi donc, s’il te plait, te rafraîchir la mémoire.
Vois-tu, le 14 février dernier, mon fabuleux fiancé nous a offert à lui et moi comme cadeau de St Valentin – qu’on fête d’habitude à la St Glinglin – des places pour venir voir Fary à Pleyel, et ça, c’était un big deal pour nous en tant que couple ! On aime le cinéma, mais rarement les mêmes films ; la musique, mais rarement les mêmes artistes ; Netflix, mais rarement les mêmes séries ; l’humour, mais rarement les mêmes humoristes… Du coup, là, BAM ! Les planètes s’alignaient : la Saint Valentin, Pleyel, un artiste qu’on aime en commun, fallait pas qu’on rate ça, tu vois ? Donc tu vois le topo, soirée en amoureux, sortie exceptionnelle, classe absolue de la salle Pleyel, à laquelle évidemment j’arrive à la bourre parce que je suis une meuf (en gros, j’arrivais du taf * hashtag on a failli être sexiste, dis donc *), mais ouf!, ça n’a pas encore commencé, l’honneur est sauf, mon mec et moi on s’installe, on est content, c’est cool.
Sauf que bim, arrivent les humoristes de première partie, dont toi, et là, c’est le drame.
Au beau milieu d’un sketch POURTANT sur les anglaises décomplexée de leur poids – dis-donc, donc de base, un sujet plutôt cool franchement, la décomplexion ! Mais là tu me refroidis tout de suite, parce que te voilà à faire quoi ? Des bruits de porc. Sérieusement, mec…. Des bruits de porc. Ou devrais-je écrire : « Sérieusement, mec ? Des bruits de porc ? ».
Ça m’a tellement choqué, et déçu. C’était pas intelligent, c’était facile, bas, petit… N’as-tu VRAIMENT rien trouvé de mieux pour faire rire la foule aux dépends d’une personne grosse qu’en imitant un cochon pour illustrer une blague sur les gros ? Sérieusement ?
Et je me retiens de te faire un pamphlet sur le fait qu’ENCORE UNE FOIS « personne grosse » désignait une FEMME bien entendu ! C’est pas précisément le sujet de ma lettre donc je développe pas, mais je te le dis quand même, ça aussi c’est fatiguant, à la fin. Vraiment.
Et puis, le fond des choses, c’était quoi alors ? La fond de ce qui doit faire rire, c’est quoi ? Que les nanas décomplexées sont de toute façon, non pas heureuses, mais ridicules ? Qu’elles seront toujours des truies aux yeux de tous quoiqu’elles fassent ?
Alors Ok, peut-être que ce sketch ne m’a pas fait rire parce que je suis grosse moi-même. Et pourtant ! J’aime tellement l’humour. Je me targue même d’en avoir un peu ; c’est d’ailleurs ça qui m’a mené jusqu’à Pleyel ce soir là. Du coup, ce n’est pas ça, je crois, qui me manquait pour rire avec toi. Ce qui faisait défaut, c’était la bienveillance ; celle qui m’aurait fait rire de moi-même grâce à toi ! Mais hélas non, à aucun moment je n’ai senti l’envie de m’inclure alors que j’étais pourtant concernée, faisant indubitablement partie des personnes visées par ta vanne. Mais y as-tu seulement pensé ? T’es-tu au moins demandé si ça ferait également rire ceux dont il était question dans ce sketch ?
La moquerie blesse là où l’humour fait rire, je t’apprends rien, et on peut encore être très drôle en ayant un minimum de tact pourvu qu’on s’en donne les moyens, et surtout qu’on en ait le courage. La provoc’ gratos n’est PAS de l’humour, et toi même tu sais que rire « au dépend de » n’est pas « rire à propos de ». Alors pourquoi ? Pourquoi la vanne facile qui m’exclut de la rigolade en faisant de moi le dindon de la farce ?
Lenny, surtout ne te méprend pas. OUI, il FAUT rire de tout. Et OUI pitié OUI, Je VEUX rire de tout, que le rire soit cathartique pour moi seule, ou qu’il dénonce notre société et nos modes de vie si souvent absurdes. Mais alors je t’en prie : ne me tiens pas à l’écart de la rigolade, ni moi, ni les gens qui me ressemblent, parce que je t’assure qu’au bout de tout ce que chacun d’entre nous, les gros, a pu vivre comme ostracisme jusqu’ici, et ben on a JUSTEMENT bien besoin de rigoler !
Alors bon, voilà, j’écris une lettre ouverte, mais c’est parce que je pense que le débat mérite d’être crée publiquement sur le sujet, qu’il peut même briser pas mal de tabous, que c’est un débat de société puisque la satire est une critique de la société, mais surtout parce que je crois sincèrement qu’il ne s’agit pas que de moi et que de toi dans cette affaire. Profondément, je pense (mais c’est peut-être beaucoup demander, après tout…) que ceux qui ont la plateforme publique pour le faire ont la responsabilité d’élever le niveau, que ce soit de leur art ou de la société dans laquelle nous vivons.
Et je te l’assure : imiter des bruits de truie pour faire rire toute une salle aux dépends d’une personne grosse, même imaginaire, franchement, ça élève aucun niveau, nulle part – et ça fait vraiment pas rire tout le monde.
Pour conclure cette lettre, je veux juste te dire que des blagues drôles sur les gros, y’en a pas beaucoup, parce qu’elles sont souvent pleines d’incompréhension, de moquerie et de stigmatisation, de dédain voire de dégout. Du coup, évidemment, c’est pas drôle.
Mais moi, tu vois, je suis grosse, et j’ai pas mal d’humour sur le sujet ! Donc si tu veux continuer à faire des blagues sur nous, n’hésite pas à m’envoyer un petit message. J’ai du stock, j’aime écrire, et j’aime bosser.
A savoir, j’ai potentiellement aussi un stock de vannes, pas sexistes mais pourtant drôles (concept !), sur les femmes ! Ça peut toujours servir aussi.
Dis-moi !
Bisous,
J’ai tout changé plus tôt aujourd’hui ! Je pense qu’il faut un petit temps à internet pour se mettre bien à jour… Je ferai le nécessaire si ça ne se change pas rapidement, bien sûr !
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